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Carnet de voyage en Andalousie (novembre 2023)

Un voyage pour rencontrer les producteurs andalous de Terravie

Itinéraires

L’intention de cette visite :
Suite à son voyage en Sicile, au printemps 2023, Mix’Agrumes a décidé d’aller voir en Andalousie comment s’organise la culture et les expéditions de fruits vers nos réseaux de consom’acteurs. La motivation du groupe de voyageurs est exprimée dans cet extrait :"En Andalousie où la question de l’eau est cruciale, la question principale à aborder tournera autour de la production d’avocats, gourmands en eau et de la sécheresse. Pour nous, l’enjeu est de savoir si nous devons continuer à commander ? Nous désengager progressivement ? Accompagner la transition vers d’autres cultures ?… Bref, il s’agit d’interroger toute l’économie de l’avocat et de la solidarité, un peu à l’image des Amaps face aux aléas de production.
D’autres questions sur la production des mangues, des olives seront également abordées au cours de ce voyage d’étude."
Perrine évoque même l’idée de mettre en place un Système Participatif de Garantie (SPG).
Comme nous partageons les mêmes préoccupations en terme de consommation et de soutien aux producteurs, locaux et/ou éloignés, Mix’Agrumes à proposé qu’un membre de RESPECTS Occitanie partage ce voyage.

Contexte et programme :
Le voyage se fait en minibus et durera +/- 15 heures à l’aller et autant au retour. Plus les déplacements sur place qui s’étireront de Algarrobo et Sayalonga à Jimena de la Frontera (200 km env.) de part et d’autre de Malaga.
J - 1 et 2 : Départ de Toulouse à 21 heures, arrivée le lendemain à Pizarra en tout début d’après midi, premier contact avec Alexis, patron de Terravie qui nous livre les fruits (en lieu et place d’Andaloubio) et anime la coopérative ALYOLOCO ; rencontre du premier producteur Antonio Gonzalez.
J - 3 : Visite de la coopérative ALYOLOCO, puis à Casarabonela rencontre d’Alvaro qui développe un projet de déshydratation de fruits.
J - 4 : Déplacement à Jimena de la Frontera et rencontre avec trois producteurs : Pablo Gomez et son père Antonio ; Antonio Castilla ; Adrian Luque.
J - 5 : Déplacement vers Sayalonga et Algarrobo pour rencontrer Jose Antonio Gonzales et Jose Carlos Marquez Baeza.
J - 6 : Départ à 7h30 vers Toulouse.

Jour 1 - Premières visites : Alexis, Pizarra et les premiers agrumes.
Un peu d’histoire pour commencer. Notre premier arrêt casse-croute en Espagne se situe à Navas de Toleda en face d’un monument qui commémore la victoire des royaumes chrétiens hispaniques sur l’armée d’invasion des Almohades d’Al- Nasir le 16 juillet 1212. Un tournant pour la Reconquête.
Accueil chaleureux et enthousiaste d’Alexis et Yohan dans un café de Pizarra, proche de la coopérative ALOYLOCO, avant de partir pour la maison de notre hôte offrant une belle vue sur le "parque national Sierra de las nieves".
Après un déjeuner, façon pique-nique, riche en discussions sur le sujet qui nous occupe (la consommation d’eau des avocatiers et nos responsabilités de consommateurs) nous faisons la première visite chez Antonio Gonzalez. Un producteur d’agrumes : oranges, oranges amères, clémentines, citrons et citrons verts qui est l’un des pionniers de l’agriculture biologique dans la région du Guadalhorce. L’occasion de goûter des clémentines et de comprendre que les efforts faits dans ce vaste domaine de 200 ha pour réduire la consommation d’eau (aspersion) ne suffiront pas si la sécheresse perdure.
Ressenti de cette première journée : les plis du paysage autour de la maison d’Alexis montrent une campagne désolée, sèche. A part les zones cultivées (et arrosées) rien n’est vert. Même le citronnier dans la cour de la maison fait peine à voir. Il crève de soif. Et les propos d’Antonio Gonzalez sont sans appel : "s’il ne pleut pas deux années consécutives de plus ce sera la catastrophe". Le décor est posé !
Souvenirs en images.

Deuxième jour : Pizarra, la coopérative et Alvaro.
ALYOLOCO est la contraction des prénoms des coopérants associés dans ce projet : Alexis, Yohan, Laurent (dit Lolo), Corentin. Ce montage est plus une société civile de moyens (SCM) qui permet à ses membres de mettre en commun les moyens techniques nécessaires à l’exercice de leur activité qu’une réelle coopérative. ALYOLOCO a bien des salariés, quatre, mais ils ne sont pas "socios". Et aucun producteur des fruits qui transitent par la coopérative n’est coopérant.
Les associés ont chacun une entreprise personnelle et France et/ou en Espagne qui achète les fruits aux producteurs avant de les confier à la coopérative qui tri et conditionne pour la livraison en France. La coopérative intervient comme un prestataire de service.
Pour le cas de Terravie (Alexis) dont le siège est à Muret, une autre société a été créée à Pizarra, El Campo Feliz SL, c’est elle qui achète les fruits aux producteurs espagnols. Le conditionnement, des fruits de l’épicerie, est confié à ALYOLOCO et Terravie s’occupe de la commercialisation en France
Il est difficile d’appréhender, en quelques échanges les motivations des associés d’Alexis. Pour Laurent, installé au sud de Grenade, qui distribue, avec son association Les Jardins D’Izan, dans une grande zone ouest de la France, l’intention est de développer (raisonnablement) ses exportations de fruits (l’initiation de Guillaume qui va expédier sa première palette en est l’illustration). Laurent est membre du Grupo SPG Agroalpujarra Occidental.
Après un déjeuner à Pizarra (El Bodegon de Rafi), nous prenons la route vers la petite entreprise de déshydratation d’Alvaro, à Casarabonela ; village tout de blanc protégé du soleil et réputé pour son jardin botanique de cactus.
Alvaro développe son activité de déshydratation de fruits (mangues, grenades, ...) et veut mettre au point un déshydrateur mobile. L’intérêt de ce projet est de créer un nouveau débouché pour les fruits à maturité qui ne supporterait pas le transport vers les réseaux de distributions éloignés.
Ressenti de cette deuxième journée :
De la production à la consommation l’acheminement des fruits semble complexe, et pour le moins, un peu loin du circuit court. C’est aussi la limite des règles intra communautaires qui manquent de cohérence.
Au delà des articulations juridiques et administratives nécessaires pour nous livrer des fruits, les personnes rencontrées ont l’air conscientes des limites de la situation particulière d’une belle région, généreuse, mais exposée à des contraintes climatiques évidentes. Et chacun semble sensible à nos interrogations.
Alvaro quand à lui fait parti de ces réalistes qui cherchent des solutions pour un avenir plus durable. Ça fait du bien.
Souvenirs en image

Troisième journée : Jimena de la Frontera
Un joli village de murs blancs construit à flanc de colline au pied d’un château-forteresse bâti sur la ville phénicienne d’Oba qui domine le passage naturel entre la SerranÁ­a de Ronda et la baie d’Algésiras.
Venir dans cette région voir des producteurs d’avocats n’a rien d’étonnant. Cette campagne de Gibraltar est parcourue par de nombreux cours d’eau et bénéficie d’un climat méditerranéen tempéré et de l’humidité apportée par les vents qui balayent le goulet du détroit entre mer et océan.
Antonio Gomez et Pablo, son fils, nous font faire le tour de leur propriété plantée d’avocatiers qui ont, pour la plupart, plus de vingt ans et atteignent 15 mètres de haut. Des arbres magnifiques mais certains souffrent d’un mal mystérieux qui dessèche des branches supérieures. Ici l’eau ne semble pas être le problème majeur. Une citerne de 45.000 litres fait "tampon" entre le pompage dans la rivière et dans un puits (légal) et le système d’arrosage. L’incertitude exprimée est la baisse régulière de la pluviométrie dans la région (Voir ci-dessous les statistiques).
Pablo exprime clairement qu’il poursuivra la production d’avocats tant que la demande sera forte. Les fruits de substitutions (bananes, papaye, citron caviar,...) ne sont pas encore suffisamment rentables pour ce passer de ce précieux produit qu’est devenu l’avocat en quelques décennies.
Pablo fait aussi (et malgré tout) des expérience de cultures dans une grande bande potagère notamment avec des pitayas (fruit du dragon) un cactus de l’espèce Selenicereus undatus qui a la seule exigence de fleurir sur une période très courte et doit être pollinisé à la main. Peu de chance, au delà de l’appétence, que ce fruit remplace un jour l’avocat.
Le voisin Antonio Castilla que nous rejoignons en fin de matinée n’est pas un modèle d’organisation dans la gestion des déchets mais possède une véritable forêt d’avocatiers de plusieurs variétés avec un arrosage particulier tendu à environ un mètre de hauteur. Comme chez son voisin il broie les tailles pour protéger le sol et apporte en plus le fumier de ses divers élevages (vaches, porcs, volailles).
A la vue de la quantité extraordinaire de sacs plastiques entassés dans divers coins de la ferme je ne suis pas sûr que la nourriture de tous les animaux soit ici naturelle. Ce qui induirait que l’amendement apporté aux avocatiers ne soit pas de grande qualité !? Comme ses voisins quelques agrumes sont présents dans la ferme mais la culture des avocats est la priorité et la source de revenu principale.
Après une délicieuse paella au bar restaurant El Vaquero notre dernière visite de la journée nous amène chez Adrian Luque.
Ici nous sommes attendus par toute la famille, Adrian, son épouse Anna et ses parents. Les dames ont préparé des douceurs, une grande coupe d’agrumes est sur la table et Adrian nous fait le panégyrique de la propriété. Il a beaucoup de respect pour le travail de son père et avec son épouse il a à cœur d’entretenir et de développer l’exploitation. Contrairement aux arbres vus le matin, les avocatiers sont taillés (court) pour faciliter la cueillette. La culture est "propre" et l’arrosage, comme partout, est mesuré et contrôlé. Luque expérimente la tensiométrie pour piloter son irrigation et souhaiterait propager cette pratique pour réduire le gaspillage et l’évaporation.
Ressenti de cette troisième journée :
Si les producteurs rencontrés semblent inquiets de la baisse de la pluviométrie ils sont confiants et espèrent que leurs efforts (arrosage par aspersion, choix des variétés, couverture végétale, ...) permettront de poursuivre leur production d’avocats. Des trois producteurs rencontrés Adrian semble le plus conscient des difficultés qui s’amplifient dans la région avec le manque d’eau, la sécheresse, ... Sociétaire d’une coopérative il dit sensibiliser les autres coopérateurs et veulent ensemble construire un modèle acceptable. C’est rassurant.
Souvenirs en images

Quatrième journée : Sayalonga & Algarrobo
Bien sûr, tout au long de la route vers la Valle del RÁ­o Verde nous apercevons, trop souvent, des étendues couvertes de plastiques partout entre route et mer, entre les villages blancs qui font face à la mer. Ce paysage anachronique nous rappelle que le Sud de l’Espagne nourrit le nord de l’Europe.
José Antonio GonzÁ¡lez nous attend au café, La casa Juan, à Jete dans la région de la Costa Tropical de Grenade. Cette région se caractérise par son climat subtropical, particulièrement propice à la culture de fruits exotiques et subtropicaux : mangues, avocats et chérimoles (anones).
S’il est inquiet à cause des ravages de la mouche des fruits « Bactrocera dorsalis » qui pique et pourrit ses anones, José a un discours qui ne peut que convenir à nos instincts de consommateurs écolos : "Nos priorités sont de conserver et d’améliorer la santé des sols et des plantes, votre santé et la nôtre. Nos méthodes agricoles sont totalement écologiques et durables par conviction. Nous n’utilisons pas de produits phytosanitaires ni d’engrais chimiques. De plus, nous disposons du certificat de production biologique CAAE." Et avec son site Tropicultura il favorise les circuits courts et la vente directe. Il revendique : "En vendant nos fruits tropicaux dans la région dans laquelle ils sont cultivés, nous contribuons directement à l’économie locale et au bien-être des agriculteurs et des communautés environnantes. En achetant et en consommant des produits locaux, les consommateurs peuvent soutenir une chaîne d’approvisionnement plus courte et plus transparente, renforçant ainsi la résilience économique de la région."
C’est au restaurant Meson Morisco à Sayalonga que nous faisons la connaissance de
José Carlos Marquez Baeza, un petit producteur (5 ha), membre de la coopérative Tierra y Libertad. Il produit une variété précoce d’avocats "Maluma" qui se caractérise par son arôme. Les fruits légèrement plus durs mûrissent rapidement à température ambiante. Il produit aussi des mangues, nèfles, caroubes, feijoa, ... Jairo Restrepo Rivera est sa référence en matière d’agriculture régénérative. Il dit : "travailler continuellement à améliorer la fertilité des sols en utilisant des méthodes agricoles régénératives naturelles". Il a "fixé" ses terrasses avec du vétiver qui lui sert de paillage et à nos questions sur son souhait pour l’avenir : "Que son épouse lui permette d’avoir un enfant" puis en second choix "de l’eau" pour le reste il assume ; et se contente de sa situation. Une belle personne.
Ressenti de cette quatrième journée
Les deux producteurs rencontrés sont plus proches de nos attentes en matière de respects de l’environnement (qui les nourrit) et des efforts faits pour réduire de 1.200L d’eau à 200L l’arrosage nécessaire pour produire 1 kg d’avocats.
J’apprécie aussi José qui réfute notre questionnement sur nos responsabilités de consommateurs en affirmant que : "c’est au producteurs de s’organiser pour affronter les difficultés qui s’amplifient".
Carlos déplore que le problème de l’eau soit attribué aux seuls producteurs alors que toutes les villas de cette cote touristique autour de Malaga ont des piscines.
Ces deux là assument. C’est là que nait le sentiment empathie. Il faut les aider.
Souvenirs en image

En conclusion
Ces rencontres sont l’occasion de nous rappeler que derrière chaque produit il y a un homme, une terre et le respect qui en découle.
A leur façon, tous les producteurs/vendeurs rencontrés, durant ces quatre jours donnent l’impression de faire de leur mieux dans un contexte climatique difficile.
Un producteur le dit : "c’est à nous de trouver la voie de notre adaptation".
Ici, comme ailleurs l’évolution vers une agriculture régénérative de type syntropie serait une solution pour que ces paysans puissent continuer à vivre de leur passion et que nous continuions à consommer modérément les fruits de leur labeur.
Notre voyage n’aura pas été vain. Il aura permis de prendre conscience d’une situation complexe et d’un équilibre production/consommation à trouver pour une empreinte carbone moindre tout en soutenant les paysans émérites.
Merci à Mix’Agrumes et à Terravie de nous avoir permis ces belles rencontres.
Jacques Solomiac Po/... RESPECTS Occitanie.

Pour aller plus loin :
L’effet de serre fait son œuvre Voir la video de l’interview de Davide Feranda)
Tendance : Un exemple de manque d’eau pour des fruits exotiques dans la région de Malaga exprimé en 2022 sur le site de Frutas Biobena
L’eau, ce bien précieux : Extrait de Tropicultura : "Spécifiquement pour les fruits, le nombre de litres nécessaires pour obtenir une kilocalorie est de 2,09 litres ; notre avocat " qui contient 750 kilocalories par kilo, soit presque le double de la moyenne des fruits ..., il a besoin de 1,33 litre d’eau par kilocalorie. Autrement dit, la consommation d’eau de nos avocats par kilocalorie est bien inférieure à la moyenne des autres fruits." Lire plus > ICI

Réserves hydriques - Statistiques officielles des disponibilités en eau dans les différentes régions d’Espagne et évolution > sur cette page.
Et aussi notre credo : RESPECTS n’est pas une épicerie !