Vous êtes ici : Ressources

1er voyage au pays des "Galline" 2014

Octobre 2014. Les Poules sont heureuses en Sicile … Probablement pas toutes. Mais celles de Roberto le sont.

Il ne serait pas raisonnable de prétendre que quinze jours suffisent à appréhender la Sicile, son peuple, ou les multiples projets de Roberto Li Calzi, le "promoteur" des Galline Felici.

Agriturismo

Parmi les surprises annoncées par Roberto, il y a ces quatre jours d’ « agriturismo » qui mêlent la visite de quelques producteurs, attachés au consortium des Galline, et la découverte de curiosités que les circuits touristiques ignorent. Ce premier parcours se fait en compagnie du groupe parisien Corto. Le périple est guidé par Adrien Coppens, jeune belge installé à Modica.
De ce voyage je retiendrai la pudeur et la fierté de ces femmes et de ces hommes qui ensemble veulent redonner à la terre sicilienne l’agriculture quelle mérite.
Avec son climat la Sicile pourrait être un Eden. Mais tous les siciliens ne partagent pas les mêmes valeurs que les adhérents des Galline. Ces cent familles là n’ont qu’un espoir : que leur exemple fasse tâche d’huile pour que la Sicile retrouve la "bonne" Voie.

Lundi 20 octobre 2014

Roberto

Rencontres  : La voix de Julien, Président de Corto, les compagnons de Corto, Adrien Coppens, Antonio D’Amico, Paolo Costa et pour la première fois, de visu, Roberto Li Calzi (le maître de cérémonie).

"Une entrée en matière sicilienne sur les chapeaux de roues."

Le groupe Corto m’attend à Santa Venerina, près de Giarre, au pied de l’Etna, entre Catane et Messine. Nous avons rendez-vous avec Antonio D’Amico un jardinier botaniste qui nous fait goûter la fiejoa (goyave ananas), des noisettes et donne à ceux qui en font la demande quelques graines sorties d’une incroyable remise où s’entremêlent plantes séchées, graines, fruits et légumes frais récoltés pour un prochain marché. L’homme est simple de pauvreté, mais riche d’une incroyable humanité. Un très beau poussin pour les Galline.
Nous reprenons la route pour rejoindre Paolo Costa qui nous amène voir ses avocatiers. Sur les terres de son cousin, Paolo s’occupe de ce surprenant verger. Ici pas de rangées d’arbres bien alignés, dans un terrain chaotique les arbres, dans un état semi-sauvage, qui peuvent atteindre les quinze mètres, portent leurs chapelets d’avocats.

A Pisano Etneo, Pia, l’épouse de Paolo, nous accueille pour le dîner : beignets de fleurs de courgettes, pasta al pesce, pasta al pesto di mandorla, légumes, salade verte et une impressionnante glace à la crème d’amande, le tout bon et généreux. Cette première demi-journée a été dense et riches de contacts simples mais chaleureux.

  • Les avocats de Paolo
  • Paolo Costa et Adrien Coppens
  • Antonio D’Amico fait gouter la réglisse aux enfants
Carnet, lundi 20 octobre 2014
Premier jour du voyage avec Corto

Mardi 21 octobre

Beppe
Guiseppe Aderno dit "Beppe"
Photo : Jacques Solomiac

Rencontres : Guiseppe Aderno dit "Beppe", Giovanni Spataro et Manuela Gugliotta, leur fille Nina, leurs amis, ...

"Un guide charismatique, des paysages sauvages magnifiques, des jeunes gens courageux. La Sicile peut renaître."

Départ vers 9 heures pour rejoindre Guiseppe Aderno dit "Beppe". Il va nous faire découvrir les "Cavagrande del Cassibile" un canyon impressionnant qui creuse le plateau des "Monti Iblei".
"Beppe" est aussi depuis cette année "l’uomo di campagna" des Galline, le technicien qui conseille, contrôle et rend compte au consortium.
La ballade est spectaculaire. La flore, sur ce plateau sauvage et sec, est incroyable de richesse. Nous rejoignons dans le cours de la rivière une baignoire naturelle. Dans ce coin paradisiaque, bain, repas composé des préparations de Roberto (omelettes, œufs durs, légumes frits, ...) et de la dégustation proposée par "Beppe" de câpres, olives, fromages, ...

En fin d’après-midi, après une pose à Palazzolo Acreide, nous rejoignons la maison de Giovanni Spataro et Manuela Gugliotta et leur petite Nina pour dîner.
En plus de ses activités de guide touristique Giovanni exploite la terre autour de sa maison. Manuela, professeur de shiatsu, produit des savons et des baumes à partir des plantes sauvages du terroir, le couple reçoit sur réservation des groupes dans une formule de "ferme auberge".

  • Eglise San Sebastiano sur la Piazza del Popolo à Palazzolo Acreide
  • Pose "dolce" avec le fils de "Beppe" au premier plan
  • Une "baignoire" dans le canyon du parc naturel "Cavagrande del Cassibile"
  • "Beppe" nous guide sur le plateau des "Monti Iblei"
  • La bananeraie chez Roberto
Carnet, mardi 21 octobre 2014

Mercredi 22 octobre

Fiorella Bonfanti

Rencontres : Gaetano et Teresa Bufalino, Fiorella Bonfanti, Antonio Coco, les "pizze" de "Beppe".

"Des poules, des chiens, des paysages et des hommes ... Et "Beppe" au four à pizza. Une journée éclectique."

Départ pour Noto où nous devons retrouver "Beppe" pour une visite de la réserve naturelle de Vendicari. La zone marécageuse accueille généralement des oiseaux migrateurs mais les étangs asséchés par un été trop chaud sont désertiques. Les ruines d’un monastère Byzantin et la visite des catacombes proches nous guident vers la longue plage de sable à l’extrémité de la réserve.

La pose déjeuner à Noto nous permet de découvrir les spécialités siciliennes : arancini, panelle di ceci, cannolo, ... Nous partons rejoindre Gaetano et Teresa Bufalino dans leur orangeraie de 3 hectares de San Paolo. S’ils tous les deux ont par ailleurs un métier ils ont repris l’exploitation de cette orangeraie et de deux autres parcelles où ils cultivent des oliviers et des amandiers. Comme chez Paolo et Antonio ici le cachet Bio n’a pas beaucoup de sens. Dans leur manière de travailler et de respecter la terre ils sont bien plus efficaces que toutes les certificat ions.

Direction Saccollino, nous allons visiter l’exploitation de Fiorella et Viviana Bonfanti qui ont repris le domaine familial de 35 hectares, Bio Saccollino, où sont produits (en certification Bio depuis 1993) des amandes, des olives, des citrons, des caroubes et des herbes aromatiques. Les deux jeunes femmes, l’une commerciale et l’autre avocate, ont pour le domaine beaucoup de projets. Elles terminent l’installation d’un laboratoire où elles veulent maîtriser la transformation de leur production et envisagent d’aménager en chambres d’hôtes l’ancien moulin à huile abandonné .
Antonio Coco (El Presidente), l’apiculteur (Apicoltura Nomade BioBio), est sur le domaine où il a pu installer une vingtaine de ruches.
Avant de rejoindre Noto pour le dîner nous faisons un arrêt dans une auberge "d’agriturismo bioecologico" sur la commune de Zisola (NT) qui a pour nom "Terra di Pace".
"Beppe" nous reçoit chez lui pour une soirée "pizze". Encore une belle surprise.

"Beppe", son épouse, son fils, sont de "bonnes personnes" comme dit Roberto. Et comme la mandragore donne de l’éclat au sol pauvre et dénudé de Vendicari ces siciliens semblent promettre un meilleur avenir à la Sicile.

  • Antonio Coco s’occupe de ses ruches installées chez Fiorella et nous accompagne pour la visite
  • Les ruines d’un monastère byzantin dans la réserve de Vendicari. Au premier plan des fleurs de mandragore
  • Notto barroque, San Domenico
  • Orangeraie chez Gaetano Bufalino
  • Soirée pizza chez "Beppe"
  • Plage de Vendicari
Carnet, mercredi 22 octobre 2014

Jeudi 23 octobre

Tête de "pupi"

Rencontres : Michele Russo, son papa, sa maman, sa compagne Vittoria Lo Dico, Cristian Agati, les "Pupi", Gabriele Proto, Lidia Tusa, ...

"Battants comme les "pupi" les jeunes entrepreneurs sont plein d’enthousiasme pour redonner du sens à l’agriculture sicilienne."

Nous profitons d’un allégement de programme pour faire le tour de la propriété de Roberto qui nous guide. Orangers, citronniers, grenadiers, corossol, bananiers, des légumes ... des poules (les célèbres Galline), des chiens, semblent composer un jardin idyllique. Roberto se raconte, nous explique la greffe des agrumes, les bananiers, ... et nous partons pour Caltagirone pour rencontrer Michele Russo, dit "Mico", (Ficod’India Caudarella) et sa compagne Vittoria Lo Dico.

Ce sont de surprenantes marionnettes qui nous accueillent. Les "Pupi" de 90 cm de haut animent "l’opera dei Pupi", une forme théâtrale typiquement sicilienne. Après un verre de kéfir de "fichidindia" et quelques fruits du même figuier, fraîchement pelés, nous faisons une visite du jardin naturellement équilibré par un vaste étang et une végétation à peine contrainte.

Après le déjeuner, pris sur la terrasse, nous partons visiter la plantation de figuiers de barbarie à l’extérieur de la ville.
Les projets, ici aussi, ne manquent pas. Les jeunes entrepreneurs ont l’ambition de faire de cette plante hostile de très bonnes choses à déguster dans les deux laboratoires de transformation qui vont être terminés.
Nous quittons Michele pour aller à la rencontre de Gabriele Proto. Sa propriété est au bout d’un chemin de terre labouré d’énormes ornières. Autour de sa maison s’étendent les vergers d’olives, d’amandiers, quelques agrumes et des champs d’herbes aromatiques. Gabriele a repris l’exploitation en 2000, il a eu la certification Bio de 2002 à 2011 mais, par idéologie et choix politique, il n’en veut plus. Gabriele poursuit la culture naturelle de ses parcelles avec un système agro-pastoral typique de ces zones méditerranéennes. Gabriele est aussi trésorier des Galline et partage son temps entre Catane, où vit sa famille et cette ferme.

Le dîner a été l’occasion de rencontrer Lidia Tusa qui est venue me chercher pour passer quelques jours chez elle à Libertinia.

  • Gabriele Proto, producteur et comptable des Galline
    Photo : Jacques Solomiac
  • Le repas est servi chez Michele
    Photo : Jacques Solomiac
  • Pour compléter la maman de Michele rajoute des pâtes ...
    Photo : Jacques Solomiac
  • Les champs de fichidindia de Michele Russo
    Photo : Jacques Solomiac
  • "Opera dei pupi" chez les parents Russo.
    Photo : Jacques Solomiac
  • Michele Russo, agronome passionné.
    Photo : Jacques Solomiac
Carnet, jeudi 23 octobre 2014

Vendredi 24 octobre

Lidia et Mimo

Rencontres : Lidia, "Mimo", "Mami", les paysages de Libertinia ...

"Par sécurité il faut aller loin pour trouver un "frantoio" honnête."

J’accompagne Lidia et sa maman à Catenanuova, chez le poissonnier un vieil homme qui a été correspondant à Paris du Corriere Della Sera me dit la difficulté de vivre dans cette partie centrale de la Sicile où le chômage et la pauvreté gangrènent la société.

Lidia et son transporteur et ami « Mimo » me proposent des les accompagner au Frantoio Val Paradiso à condition d’aider au déchargement.

L’huilerie est loin. C’est la condition pour être sûr que le travail sera bien fait et honnête. Après plus de deux heures de route nous arrivons au Frantoio à Camastra près de Naro (AG). La chaîne d’extraction de l’huile est moderne et le bâtiment, bien que très animé et bruyant, est propre et l’organisation semble sans faille. L’odeur de l’huile juste extraite est forte mais pas écœurante. Lidia me fait visiter l’installation en attendant le flacon témoin quelle enverra au contrôle. Le réservoir de décantation, trésor de Mandre Rosse, est le B4.

Au retour, Lidia me fait visiter le domaine et le village de Libertinia. Les bâtiments qui entourent une cour carrée sont imposants. Les oliviers ondulent sous le ciel métallique de l’orage menaçant. La teinte gris bleu des arbres et le sol orangé semblent en accord parfait. Un paysage étrange, irréel, beau !

La nature est belle mais le village de Libertinia est triste. La poste, l’école et la mairie sont définitivement fermés. L’église elle-même, mal restaurée prend l’eau et n’est plus utilisée. Seul un projet de bibliothèque initié par l’oncle de Lidia pourra apporter un peu de renouveau si les autorités se décident à autoriser la mise à disposition d’un local.

  • Libertinia, un paysage dépouillé
  • La maison familiale autour d’une cour carrée
  • Le précieux liquide extrait des olives de Mandre Rosse
  • Mimo, l’ami de la famille
  • L’oliveraie Mandre Rosse
Carnet, vendredi 24 octobre

Samedi 25 octobre

Le peigne à olive

Rencontres : les cueilleurs de Lidia : Gaetano, "Tore" son père, "Davi", Guiseppe, Sebastiano, ...

"Lidia : Les récoltes ne seront pas bonnes cette année à cause du climat."

 7h, je fais la connaissance de Gaetano, l’employé officiel de l’azienda, son père "Tore" Davi, Guiseppe, et Sébastiano.

La récolte consiste à étaler deux grands filets sous un arbre puis avec un secoueur de branches, à moteur thermique, l’un des ouvriers fait tomber les olives. Les autres cueilleurs, soit à la main, soit avec des peignes à olive, font tomber dans le filet les olives des branches basses. Le rythme est rapide. Passer à l’arbre suivant, enlever les feuilles, remplir les caisses, ...
Vers 11h 30 les ouvriers avalent vite de gros casse-croûtes de pain blanc avec du fromage et du jambon, un fruit et un café froid tiré d’une bouteille minuscule. Après un moment de repos le travail reprend, physique, intense. 17h 30, la cueillette s’arrête. I faut charger dans la remorque les trente caisses d’olives disséminées dans l’oliveraie.

La récolte ne sera pas bonne cette année c’est le diagnostic de Lidia. Et si le temps est mauvais la récolte s’étalera jusqu’en janvier.

Pour moi, "Mami" a préparé un plat qui lui rappelle sa jeunesse à Messine : morue fraîche avec olives, câpres, céleri, piments, pommes de terre et tomates.

La conversation est riche. "Mami" me fait lire un article en italien sur la nécessité de laisser la terre à ceux qui en sont les occupants en proscrivant les OGM. Elle est très engagée Slowfood. Ce moment partagé est chargé d’émotions partagées avec ces deux femmes qui semblent, ici, hors du temps.

  • L’oliveraie Mandre Rosse le soir
  • Lidia et les cueilleurs
  • Un témoin de l’équilbre naturel
  • Libertinia au lever du soleil depuis l’oliveraie
Carnet, samedi 25 octobre

Dimanche 26 octobre

Délicieuse gamelle pleine d’attentions.

Rencontres : une équipe de cueilleurs recomposée, et toujours des olives ...

"Une délicieuse gamelle de pâtes et des paysages à couper le souffle, pour agrémenter une journée de travail difficile."

Nous serons cinq pour la cueillette. A 11h 30 pour la pose nous avons rempli 14 caisses. Le ciel est gris les cueilleurs semblent fatigués et les arbres peu chargés en olives. Nous ne récoltons que 9 caisses l’après midi. Au moment de rentrer une pièce qui supporte le timon de la remorque se casse. Toute la débrouille sicilienne sera nécessaire pour ramener le chargement.

Dans la cour le père de Gaetano nous attend. La discussion avec Lidia sur l’organisation pour réparer le tracteur et continuer la récolte est vive. Visiblement les ouvriers font ce qu’ils veulent.
Il est difficile d’être une femme dans une exploitation agricole en Sicile.
Les discussions du soir portent sur les filles de Lidia, l’une à Rome, l’autre en stage en Chine, qui de toute évidence travaillent beaucoup pour pouvoir rapidement épauler leur maman sur le projet de développement de l’azienda. « Mami » me redit son attachement à cette terre et à la nécessité d’arrêter les errements de la mondialisation.

Lundi 27 octobre

Les cueilleurs de Mandre Rosse le 25 octobre 2014

Rencontres : Lidia, "Mimo", "Mami", ...

"Lidia a bien du courage pour tenir à bout de bras l’exploitation du domaine."

Les ouvriers sont partis à la cueillette. Lidia attend les inspecteurs de l’administration. Ils doivent contrôler les travaux réalisés dans le local qui accueillera le futur point de vente (sous le porche d’entrée).

Les fonctionnaires partis nous prenons la route vers l’huilerie. Le retour se fait sous l’orage. Le casse-croûte est partagé dans le camion et nous arrivons à Libertinia un peu avant 16 heures. Nous travaillons avec Lidia à la traduction demandée la veille par Roberto pour le site web des Galline.

Je prend congé des ouvriers. Des gens simples et attachants, fiers et susceptibles, curieux de ma présence, ils ont été plus libres après des efforts partagés.

Le dîner est composé d’une soupe aux lentilles de « Parmigiano », une pêche, des gâteaux nappés de chocolat et un verre de limoncello pour compléter. « Mami » s’étonne de l’emprise de la finance mondiale sur l’agriculture et déplore l’état d’extrême pauvreté des peuples à qui on vole la terre. Je salue et remercie « Mami » que je ne verrai pas demain matin. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour cette vieille dame.

Mardi 28 octobre

Catane : la "Fontana dell’Elefante", un symbole

Rencontres : Lidia, quelques habitants de Catania, Roberto, ...

"Une journée de transition et d’immersion dans les quartiers de Catane."

Lidia m’accompagne à Catenanuova où je dois prendre un « pullman » pour Catane et de là rejoindre l’exploitation de Roberto. Le bus a du retard mais Lidia partage cette attente avec moi et c’est encore une fois le moment d’échanger sur son travail, le climat et les siciliens. Je la remercie pour son accueil et lui souhaite bon courage pour la suite de la saison. J’espère que son dynamisme sera récompensé.

Catania. En direction du centre ville je découvre le typique marché aux poissons puis les places et palais incontournables qui exposent leurs façades blanches au soleil. Après un « caffè lungo e cornetto con marmelatta » sur la "piazza del Duomo" il faut repérer la station de bus pour Augusta. Mon chemin me permet de voir la « piazza Università », le « palazzo degli Elefanti », la « piazza Stesicoro » puis j’emprunte le « Corso Sicilia » où se trouve la librairie « Cavalotto » et le bar Forzese. Un plat de « lasagne alla zucca » et d’une assiette de gâteaux aux amandes moelleux à souhait font mon déjeuner.

Pour aller Via d’Amico il faut traverser un quartier entre la gare ferroviaire et la « piazza Falcone » qui montre qu’ici aussi les immigrés ont leur quartier, sale et insalubre. Un libyen qui fait un bout de chemin avec moi me dit attendre des papiers pour rejoindre la France où il espère trouver un travail et refaire sa vie. Le mirage français.

Merrcredi 29 octobre

Mieux vaut être protégé

Rencontres : quelques habitants du quartier de Roberto, ...

"La Sicile est un Eden souillé par les décharges sauvages et l’ombre du business mafieux."

Comme tous les mercredis Roberto apporte à Catane le surplus de sa production (œufs, légumes, fruits). Je l’aide à ramasser une caisse de mandarines.

Dans son entrepôt personnel Roberto conserve deux grands dessins d’oranges qui représentent la répartition des prix de vente avant et après la création des Galline. Le résultat est édifiant. (voir les photos ci_dessous).

Cette journée de pose me permet de me balader dans les environs de la propriété de Roberto. De la grille à la route qui relie Catana à Augusta il y a une bonne demi-heure de marche, les propriétés ne sont pas toutes occupées mais clôturées et pour certaines sous la protection d’une entreprise de gardiennage. Beaucoup de champs et de maisons sont à vendre. Les gains que ces terrains à la campagne rapportaient aux résidents de Catane ont fondu, jusqu’à disparaître. Alors les terres sont laissées en friche.
Pour les ordures, c’est visiblement plus simple de déverser ses détritus à coté des conteneurs, sur plusieurs dizaines de mètres, quand le tas est trop important on met le feu pour le réduire. Nos hôtes n’ont pas d’explications à cet état de fait. Mais se demandent quand même où passe tout l’argent facturé par les entreprises de ramassage.

Jeudi 30 octobre

Roberto me fait visiter les jardins sociaux de Librino

Rencontres : les 3 surprises de Roberto, Antonio, Patrizia, l’équipe de cueilleurs, Lucas, Manfredi, Davide, ...

"Roberto est un "promoteur" social. Antonio un gentleman."

Roberto me propose d’aller quelques jours chez Antonio Grimaldi. Il a hésité au prétexte qu’Antonio serait peu sociable !? Je jugerai par moi-même.

En route il me propose trois surprises. La première me fait goûter une spécialité. Le « cannolo alla ricotta » est très bon. La deuxième surprise est un arrêt à "La Porta della Bellezza" (La porte de la Beauté). Treize œuvres monumentales qui s’étirent sur 500 m dans le quartier difficile de Librino (100.000 habitants). Elle a été réalisée grâce à l’initiative d’AntonioPresti, artiste et mécène sicilien et président de la Fondation Fiumara d’Arte. Il a su avec les artistes locaux, les poètes nationaux et internationaux et les écoles du quartier (2.000 élèves) fédérer les énergies créatrices pour finalement fabriquer 9.000 pièces de terre cuite qui sont toutes signées par un enfant et assemblées dans de magnifiques compositions. Le miracle de ce travail, inauguré le 15 mai 2009, c’est que depuis son installation l’œuvre est restée intacte.

La troisième surprise de la journée est la visite d’une initiative chère à Roberto : les jardins sociaux et le gymnase de Librino. A l’origine un vaste gymnase abandonné dans le quartier difficile. Les jeunes organisés en associations, las de ne pas être entendus, ont occupé les lieux pour les "libérer". Sur le terrain de rugby attenant l’équipe des \"Briganti\" est sponsorisée par les Galline et Mario participe à l’encadrement. Enfin dans les 7.000 m² de terrain qui entourent les installations sportives se sont des jardins familiaux et collectifs qui sont maintenant cultivés par les habitants des barres d’immeubles proches. L’engagement social de Roberto et des Galline est magnifiquement illustré à Librino.

Fini les surprises et le tourisme.

Nous arrivons chez Antonio Grimaldi à Misterbianco (CT) commune de 50.000 habitants qui jouxte Catane. Il m’installe dans une chambre au rez-de-chaussée de la vaste maison, c’est son domaine. Il a là son logement et son bureau. Le salon de ce niveau est un véritable musée. Son épouse Patrizia vit à l’étage.

Antonio me trouve une paire de bottes et m’accompagne dans la parcelle où les employés récoltent des oranges. Je commence la cueillette. Le pédoncule de l’orange coupé, Il faut retailler la tige au plus près du fruit pour qu’elle ne perfore pas la peau d’une autre orange et on dépose le fruit dans la caisse, sans la jeter de trop haut, pour ne pas abîmer les oranges. Capito !? Vers midi c’est la pause déjeuner.

Antonio est clair. Le choix de l’agriculture biologique en 1994 est un choix de vie. Ici, c’est tout le processus de culture qui a été modifié : le travail du sol, l’entretien des plantations, l’arrosage modéré, pour préserver la ressource et l’implantation de variétés résistantes. L’exploitation, en plusieurs parcelles, représente 50 ha. Elle était à l’origine plantée essentiellement d’agrumes, car sur ce terroir les agrumes sont précoces.

En 2000 l’ancienne oliveraie a été réaménagée avec différentes variétés plus adaptées. En 2004 Antonio a planté de la vigne avec trois cépages : Merlot, Nerello mascalese et Nero d’Avola.

L’ensemble est complété par des céréales pour faire des pâtes, un petit verger de pruniers des artichauts et des légumineuses.

Enfin une cinquantaine de ruches sont installées à proximité des orangers par un ami apiculteur. « Le miel n’est pas certifié mais on est sûr qu’il est produit chez nous et pas en Chine. » Dit Antonio.

L’Azienda d’Antonio a rejoint les Galline il y a trois ans car ses expériences précédentes de vente aux coopératives Bio n’étaient pas satisfaisantes avec des prix d’achats de l’ordre de 15 à 20 centimes d’euros par kilo.

Vers 13 h. Il faut trier les oranges ramassées le matin. Aucune orange abîmée ne doit être mise dans la caisse d’expédition. L’ordre est strict. La réputation de l’azienda est en jeu.

Manfredi me propose de l’accompagner au nouvel entrepôt des Galline. Jusqu’à la saison précédente l’entrepôt de préparation des commandes des Galline était ici chez Antonio. Manfredi Grimaldi et Davide Midgley (fils de Barbara) sont responsables à partir de cette année des commandes et du travail à l’entrepôt. Une équipe rajeunie et dynamique qui opère sous l’œil bienveillant de Barbara Piccioli. Elle remplace Roberto pour les relations avec les « clients ».

Nous prenons le dîner au rez de chaussée avec Patrizia. La soirée se poursuit avec des discussions à caractère social et politique (un peu pessimistes).

Vendredi 31 octobre

Antonio Grimaldi : "l’humaniste"

Rencontres : Antonio, Patrizia, la même équipe de cueilleurs, Lucas, des spécialités culinaires siciliennes, ...

"Antonio est un "belle personne" avec une conscience politique et sociale exemplaire."

6h 15, après un premier café partagé avec Antonio. Il me propose d’attendre un ouvrier qui vient récupérer des caisses pour la cueillette de mandarines Miyagawa (ou Satsuma). La technique est identique à la cueillette des oranges mais le fruit est plus fragile et un premier tri se fait sur l’arbre. Les mandarines rejoindront la commande de Bologne qui partira ce soir. Avant le déjeuner Antonio me fait visiter cette partie de sa propriété (au sud-ouest de l’aéroport). Anciennes parcelles héritées d’un passé qui le rend nostalgique. Le rapport financier de ces champs d’agrumes et d’oliviers était une rente du temps de ses parents. Situation bien différente aujourd’hui, c’est plus de travail pour moins de revenus.

Antonio m’amène déjeuner au Caffè Parisi. Menu : « scacciata », « bomba », « cannolo ricotta » et « caffè ».

Avant de reprendre le chemin du retour nous faisons un arrêt sur la grande plage publique du sud de Catane. Immensité de sable fin (apporté par le « Fiume Dittaino » mais les bâtiments sont dégradés et couverts de graffitis et la plage elle-même est sale, couverte de détritus. Seules les plages privées des innombrables « Lido » sont propres. Quel gâchis !

En attendant les ouvriers Antonio me fait parcourir les différentes parcelles qui s’étendent autour de la maison et finit la visite par la vieille cave du domaine qui est un véritable musée de la vinification.

Retour à la réalité. Les ouvriers sont là. Il faut trier les mandarines cueillies ce matin.

Le tri terminé les palettes sont montées, cerclées, les caisses étiquetées « Galline, Manfredi Grimaldi, Miyagawa ». Elles sont livrées chez le transporteur. Les fruits auront été cueillis 72 heures avant de partir en direction de leur lieu de consommation. Voilà comment font les producteurs des Galline.

Le dîner est préparé peu avant 20 heures. Antonio s’occupe dans sa cuisine du rez-de chaussée de l’apéritif qui tient lieu l’entrée qui ce soir sera composée d’une soupe de poissons servie sur du pain et Patrizia descend de l’étage 3 magnifiques poissons grillés servis avec une salade mixte : "verdure" et pomme de terre. Le tout arrosé d’une bouteille de Riesling. Pour accompagner notre conversation, économique et sociale, Antonio nous sert des chocolats et une « grappa di chardonay ».

Samedi 1er novembre

Rencontres : les clients du "Farmer’s Market", les poissonniers de Catane, Mustapha, ...

"Un marché paysan bio dans une oliveraie, la gouaille des poissonniers, un employé effacé, ... Cette Sicile, du quotidien, est un kaléidoscope social."

Le samedi c’est jour de marché bio dans la propriété des Grimaldi. Dès 7 heures 30 les premiers producteurs sont installés.Les clients venus de la ville, dès 8 heures, sont déjà nombreux. En moins d’une heure le boulanger bio a tout vendu. Tous les fruits et légumes du moment sont proposés à des prix équivalents à ceux du marché de plein vent (non-bio) de Catane.. Patrizia a pris l’organisation hebdomadaire du "Farmer’s Market" en main. Les citadins trouvent ici des légumes : salades, courges, aubergines, tomates, avocats, brocolis, céleris, navets, courges, pommes de terre, fenouils, … des fruits : figues de barbarie, kakis, oranges, pommes, citrons, anones, grenades, …des fruits secs : noix, noisettes, châtaignes, amandes et les produits transformés de ces fruits, du fromage de chèvre, des œufs, du vin et des pâtes « Grimaldi ».

Antonio me prévient que Roberto passera me prendre en fin de matinée. Il me montre la différence d’inflorescence des caroubiers mâle et femelle et une zone plantée de vieux oliviers dont certains ont brûlé. Le tronc de l’olivier étant creux si l’arbre prend feu un tirage naturel se fait et il est très difficile de sauver l’arbre. Mais l’olivier est coriace et des rejets apparaissent vite et l’arbre, après quelques années, même mal formé reprend un cycle de vie.

La diversité des cultures, des céréales aux agrumes en passant par les olives, l’huile et les conserves montrent la détermination et la volonté de développement qu’Antonio a voulu insuffler à son azienda. Il compte maintenant sur ses deux fils pour poursuivre l’aventure.

Après avoir pris congé de mes hôtes Roberto me propose une nouvelle surprise. Il m’amène au marché aux poissons de Catane. Les vendeurs, crieurs, sont rapides à « charger » la balance. Il faut être vigilant et discuter le prix (qui est assez bas : 8 euros/kg pour du sabre négocié à 6 euros en cette fin de marché).

Après le repas pris avec Mustapha, l’employé de Roberto, je vais aider à la plantation de bananiers.

Le principe est d’arracher dans les touffes le pied mère qui à produit des bananes. Il a été coupé à un mètre de hauteur et apparaît comme mort. Le fait qu’il soit coincé dans tous les rejets qui se sont formés sur les rhizomes de la plante mère, complique l’opération. Une fois déraciné le pied est planté dans une fosse de 60 cm de diamètre environ et de 50 cm de profondeur.

L’arrachage des repousses à la périphérie des touffes de bananiers est plus facile.

Roberto est sans cesse appelé sur ses deux téléphones et la réponse aux nombreux messages électroniques qu’il reçoit le retiennent tard dans la nuit.

Dimanche 2 novembre

Rencontres : Mustapha, les poules, les chiens, les bananiers, ...

"Une journée de fin de séjour physique, qui ancre l’observateur dans la réalité de la terre sicilienne."

Dès 7 heures 30 nous allons planter des bananiers arrachés la veille avec Mustapha.

Roberto vient nous rejoindre vers 9 heures et donne quelques consignes. En fin de matinée nous ramassons les courgettes dans les longues rangées de légumes du potager. Trois caisses de courgettes plus tard nous allons « pailler » avec des branchages récupérés par Roberto, les 25 pieds de bananiers que nous venons de planter.

Le repas est pris vers 13 heures 30. Salade de poulpe avec des tomates et du pamplemousse, langoustines frites, salade verte, vin de l’Etna.

Après les corvées de vaisselle et de nettoyage, auxquelles Mustapha ne tolère pas d’ingérence. Nous reprenons le paillage des bananiers. La vieille brouette est à plat, nous prenons une palette retournée pour transporter les branchages. C’est un peu l’image de débrouille que j’ai vu chez tous mes hôtes. Il faut souvent s’organiser avec son ingéniosité.

La journée a été physique. Demain je prends le chemin du retour avec un départ prévu à 5 heures 45.

Le repas du soir est pris dehors, il fait 17°. J’ai un long échange avec Roberto sur la dimension sociale qui devrait accompagner le terme "biologique" dans l’agriculture et la consommation.

Lundi 3 novembre

Epilogue

Réveil à 5h 30. Un café et Roberto m’amène à l’aéroport avec Mustapha qui va passer quelques jours en ville.

Depuis Marseille, dans le bus qui me ramène à Gap, j’ai un peu de mal à réaliser ce qui s’est passé pendant ces deux dernières semaines.

Arraché volontairement à mon confort haut-alpin j’ai choisi de partager quelques jours d’intimité de trois hôtes bien différents mais exceptionnels au regard de nos "grilles" d’appréciations du travail, du confort, de la richesse matérielle et de la perception des contextes sociaux et politiques.
J’ai vu des gens bien dans leur peau, des pauvres et des plus aisés, ils ne m’ont pas tout dit, ni de leur réalité, ni de leurs projets mais je suis convaincu qu’au delà des apparences la plupart des agriculteurs rencontrés sont sincères. Ils veulent vivre sur leur île, en harmonie avec la nature et préserver leur terre nourricière.

Les Siciliens sont attachants, souvent déconcertants. Ils ont un sens de l’hon­neur aigu. Gouvernés par la passion, à la fois chaleureux et discrets, indolents et fatalistes, ils sont indépendants.

Les uns ont une sensibilité à fleur de peau, les autres se veulent résolument hospitaliers, confiants, sûrs de leur parole donnée. En tout cas, il existe un trait de caractère commun à tous. Ils font preuve de générosité et d’une grande disponibilité pour leurs proches, et notamment leur famille. Je l’ai vérifié chez Lidia, Roberto, Antonio, Beppe, ...

La réalité n’est pas simple. Les Galline c’est seulement cent familles d’agriculteurs et toute la Sicile n’est pas "Felice". Les arcanes administratives et la corruption quasi généralisée sont des freins. Mais si la majorité des siciliens prennent conscience qu’une autre voie est possible, comme le montre Roberto, ils peuvent développer cette belle région. Et je les soutiendrai.

Texte et photos : Jacques Solomiac

Réactions :

26/11/2014 - Merci Jacques pour ce beau récit, tu as vécu une belle aventure riche en tout point sur cette terre sicilienne, merci de nous la faire partager, A bientôt, Elisabeth M.

26/11/2014 - Merci Jacques ! Quelle rapidité ! Le notre est encore en cours de relecture...plus long et laborieux d’écrire à plusieurs mains... je te l’enverrai en temps voulu. De mon côté je repars ce samedi pour Catania, je serai à Palermo pour représenter Corto à "Fa la cosa giusta" et aurai donc le plaisir de rencontrer Brigitte et Rémi. Amicalement, Alejandra Groupe Corto, Bagnolet (93)

26/11/2014 - Merci pour le partage de ce voyage . Après la fin de la lecture nous comprendrons mieux la Sicile profonde .Nous en reparlerons . Bonne soirée. Edith et Patrice

26/11/2014 - Bonjour Jacques et cher confrère, Bravo pour ton CR de Sicile. Très intéressant, vraiment. Je partage ton sentiment en tous points. A titre d’info, je te passe le reportage que j’ai fait en Calabre chez les Smurra, qui nous livrent leurs clémentines. J’ai retrouvé une seule (et pas très bonne !) photo où tu figures. Je te l’adresse quand même. Bien amicalement. Dominique (Groupe Corto, Paris)

26/11/2014 - Ah les Galline ! A ta lecture ... on se demande à quoi servent les présidents, ministres, et autres fonctionnaires... Chapeaux bas pour pour ce moment délicieux. voilà des vrais gens ! 

Un jour ils feront peut être le voyage inverse ? Jacques et Nicole

27/11/2014 - Bravo Jacques pour ce document qui est très détaillé avec les illustrations et surtout l’approche très humaine de ton récit. En fait j’ai pris plaisir à voyager avec toi en lisant ce carnet de voyage tout en restant assis devant mon ordinateur. Amitiés Henri

07/12/2014 : Ciao Jacques ; ho visto il tuo bellissimo report, ma non ho avuto tempo di rispondere, nè di pubblicarlo ; non ne ho neanche in questo momento ci sentiremo con calma durante le feste. Ciao. Roberto Li Calzi